Page 9 - Invention Magazine 197 - Concours Lépine
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Extrait de la fresque La Grande Misère de Paris de 1936.
Photo tirée de l’exposition
Le Monde Nouveau de Charlotte Perriand.
© Concours Lépine
Sur cette fresque impressionnante,
par la taille et la pertinence, on peut
lire notamment « Paysage de l’Ile-de-
France - Surpeuplement - Misère du
logement - Maladies », « Une muraille
de pierre remplace désormais une cein-
ture de verdure » ou encore « Futurs
chômeurs manuels ou intellectuels ? ».
En 1936, Charlotte Perriand écrit dans la rubrique «la femme et la vie» du journal Vendredi, dont voici un extrait :
« La ménagère, qui en même temps que l’homme participe à la production, continue à endurer la surcharge de
labeur des siècles passés ; laver, cuisiner, nettoyer, sans bénéficier des progrès techniques contemporains.
Que lui offre pour logis la société actuelle ? Soit tous les vieux immeubles locatifs, où familles après familles
ont fait leur nid, sans s’assurer jamais de la désinfection des locaux. Le local des toilettes, dans la plupart de ces
immeubles, n’existe pas, ni douche, ni bain. C’est souvent la cuisine qui fait office de toilettes dans les ca-
rottes et les choux, avec eau courante et cuvette, selon l’ingéniosité de l’occupant. Soit les nouvelles construc-
tions qui s’érigent un peu partout qui sont sonores parce que le problème du repos de chaque famille n’a pas été posé.
Ces maisons sont conçues pour rapporter de l’argent, c’est-à-dire un minimum pour un maximum. Nos logis manquent
généralement d’espace, d’air, de soleil, d’hygiène. Leurs fenêtres donnent sur des rues sombres aux bruits multiples ou sur des
courettes étroites, réceptacles aux poubelles. Comme vis-à-vis, des façades à pic, trouées d’autres fenêtres
camouflées de tentures pour arrêter le regard indiscret du voisin et le peu de rayon solaire arrivant jusque-là.
Dans le cadre de la société actuelle, tout ce qui peut contribuer au progrès et au bonheur des Hommes est qualifié d’utopique. »
En août 1936, Charlotte Perriand est sollicitée par le conditions de travail des paysans et les probléma-
Ministère de l’Agriculture pour la création d’un photo- tiques liées au monde agricole. Plus tard, elle sera aussi
montage qui habillera la salle d’attente du Ministère. impliquée dans l’Exposition Internationale de 1937 et le
À la manière de La Grande Misère de Paris, Charlotte pavillon des Temps Nouveaux.
utilise la photographie et les mots pour dénoncer les
Pour continuer, dans l’œuvre et la philosophie de
Charlotte Perriand se distinguent également une admi-
ration pour la nature et un désir d’en mettre en valeur
les richesses, en photographie comme en architecture.
Cette forme d’engagement que l’on appellerait
aujourd’hui, écologiste, influe directement sur ses
réalisations. Ainsi, elle explore la nature et en extrait
des objets de toutes formes qu’elle assemble ensuite
avec le mobilier. Elle n’hésite pas à utiliser des pierres
ou des morceaux de bois façonnés par leur existence
« naturelle » pour équiper l’intérieur des pièces qu’elle
conceptualise. C’est ce qu’elle nomme « l’Art Brut ».
Avec Pierre Jeanneret, elle passait une grande partie de
son temps libre à la recherche de toutes sortes d’objets,
sur les côtes maritimes notamment. Charlotte insiste sur
la possibilité de faire dialoguer un élément brut de la
nature avec des éléments d’architecture et de mobilier.
Pour certaines de ses trouvailles, elle tire des photos,
c’est le cas du grès de la carrière de Bourron.
La série de photographies d’Art Brut réalisée par
Perriand met également la nature à l’honneur. Elle s’ins-
pire des travaux de Fernand Léger et de Le Corbusier,
les objets de la nature en sont régulièrement le centre.
Charlotte Perriand - Grès de la carrière de Bourron, forêt de Fontainebleau,
vers 1935. © Adagp, Paris, 2019 © AChP
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